Mercredi 30 octobre

« C’est des livres d’adultes, ça. »

Régulièrement, à la fin des cours, Morrigan vient tripoter la pile de bouquins posée sur mon bureau qui n’a rien à voir avec les cours. Un Modiano, la poésie d’Alfred de Vigny, celle d’Anne Brontë, et quelques autres. Elle retourne l’un des bouquins entre ses doigts, fait défiler les pages.

« Il y a des images, quand même ?
– Oui. Ce sont les couvertures des anciennes éditions.
– Ça sert à quoi ?
– C’est dans un dossier qui explique comment le livre a été écrit.
– D’accord. »

Elle les dépose après quelques secondes, toujours précautionneusement ? À regret ? Plutôt que de me faire des films, je lui pose directement la question.

« Morrigan ? Ça a l’air de vous intéresser, vous voulez que je vous en prête un ?
– Je vais rien comprendre.
– C’est possible, mais comme vous aimez bien les regarder, je peux vous laissez celui-là (c’est le Modiano) quelques jours, vous aurez plus de temps pour le consulter. Vous n’êtes pas obligé de le lire, évidemment.
– Je peux le prendre juste… Comme ça ?
– Si vous me le ramenez.
– Ben oui, évidemment. »

Elle me le ramène, pile au jour demandé. Je la remercie, essaye de ne pas ouvrir la conversation, c’est l’une des maximes de Pennac que j’aime appliquer.

« J’ai lu la première page. C’était très compliqué.
– Ça vous a plu ?
– Je sais pas. C’était pas pareil du tout que ce qu’on lit. On comprend pas trop où on est. Mais j’ai bien aimé les phrases.
– C’est un bon début. Peut-être que plus tard, vous y reviendrez.
– Quand je serai plus intelligente.
– Quand vous aurez vécu davantage de choses. »

Elle me regarde sans répondre, comme souvent, semblant m’englober tout entier de ses très grands yeux bruns. Elle pose son doigt sur les boutiques obscures, reste comme ça quelques instants, puis s’en va. Derrière elle, un adulte un peu perplexe.

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