
« Monsieur pour le bingo littéraire…
– Bonjour Lorna.
– Oui, pour le bingo littéraire…
– Bonjour Lorna, vous avez passé de bonnes vacances ? Les miennes ont été excellentes, merci de demander. »
*Yeux levés au ciel.*
« Oui bonjour monsieur. »
Cette journée de reprise de cours est à l’image de cet échange dans les couloirs : business as usual. Impression que j’ai laissé le collège et ses élèves durant à peine une nuit, peut-être même moins. Les mômes sont égaux à eux-mêmes, pas particulièrement reposés ou plus attentifs. Pire : impression avec la cinquième Astronelle d’avoir régressé : les bonnes habitudes de travail sont oubliés, les conflits de retour.
Et donc, forcément, je leur en veux. De ne pas se rendre compte que c’est bien, de se retrouver. Que je leur ai préparé plein d’activités chouettes, que ça m’a pris du temps. Ça, c’est mon immaturité. Celle que je ne parviens pas encore à dompter. Parce que rien, absolument rien n’oblige mes élèves à éprouver de la gratitude. Je projette toujours. Et c’est normal, c’est ce qui me permet de conserver mon enthousiasme et mon énergie. Je vais être heureux de les revoir, eux aussi, ça va être trop bien.
En fait non. Je ne suis qu’un prof parmi d’autre dans une partie – non négligeable certes, mais une partie seulement – d’une vie déjà bien occupée. Les voir sauter de joie dans la salle A25 est pour le moins optimiste.
Prendre patience. Et se lancer, pas après pas, dans une lente reconquête de leur attention, de leurs regards. Par le travail, par l’impartialité, l’exigence et quelques blagues.
C’est la reprise.