
Le jeudi matin, les trois élèves dont s’occupe M. ont deux heures qui leur sont spécialement consacrées pour progresser en français. Il m’arrive d’aller lui filer un coup de patte.
Et d’éprouver, à chaque fois, un vertige total.
Car ni Rodrigue, ni Elena ni Lino n’ont les mêmes besoins. Leurs difficultés sont dissemblables au possible, et si je me trouve à apprendre à Elena à former les lettres, je ne peux travailler sur les immenses obstacles qui se dressent entre Lino et le simple fait de communiquer avec des adultes.
Ce qui est terrifiant, c’est de se dire que, probablement, chacun de nos élèves est aussi unique, dans ses atouts que dans ses incompréhensions. Certes, avec ces trois élèves-là, les choses sont poussées à l’extrême. Mais se dire que l’on risque de leur passer à côté, que l’on risque de ne pas les comprendre, qu’on risque de…
Hey. Du calme.
Encore une fois, le complexe du paladin. Vouloir les sauver, toutes et tous. Quand bien même, à une seule personne, et même à deux, c’est impossible. On ne peut qu’espérer que la mosaïque des adultes présents, dans et hors les murs, y parvienne. Le souhaiter. Très fort.
Et en attendant, lire « Il y a un cauchemar dans mon placard » avec l’un, et revoir les homophones avec l’autre, pendant que le dernier apprend à saisir les consignes. Pendant cette heure, ils auront tous progressé.