
Qu’il est vilain, le verbe être.
C’est un truc que je dis avec beaucoup d’emphase, beaucoup de prétention. Il ne faut pas ess-en-tia-li-ser les élèves. Ce que l’on voit d’eux n’est qu’une petite partie, une projection de nous-même. Il ne faut pas dire que nos élèves sont, parce qu’on ne sait pas.
Et gonflé de ma propre importance, de ma grande sagesse, je me rengorge.
Je me rengorge et pourtant, je me retrouve comme un con, lors des réunions parents-profs, à dégoiser que Marion « est très timide », qu’Amélia « est très intégrée dans la classe », qu’Ignacio « est déconcentré. »
Comme si, à la première occasion, on se sentait obligé de coller des étiquettes sur le front des mômes. Pas par méchanceté, bêtise ou négligence. Mais juste parce qu’il faut que les comportements que l’on observe dans nos classes aient un sens. Sinon, que reste-t-il ? Un chaos sans nom, dans lequel nous naviguerions, eux et nous, à vue.
On ess-en-tia-lise, parce que nous nous devons dans la cohérence. C’est un mythe, une fiction. Et comme toute fiction, c’est immensément utile.
Tant que l’on n’est pas dupe.