
Soirée entre collègues. Beaucoup de rires, de nourriture bouffée à même la table basse, et de courants d’air froid, quand les personnes cools abandonnent le pow wow pour aller fumer au balcon.
Je le dis à A-H., au début de la soirée, mais je pourrais le dire à toutes les personnes présentes ici : lorsque nous nous croisons au boulot, j’ai la sensation qu’elle se montre plus discrète, plus terne, presque, qu’elle ne l’est réellement. Elle qui brille encore plus que les chaussettes pailletées qu’elle a enfilées pour l’occasion. C’est normal, évident et professionnel : nous laissons à l’entrée du bahut un sacré paquet de nous, pour endosser celui des mômes.
Mais à les regarder se marrer jouer à être une version d’eux-même qui leur plaît et la devenir vraiment, je ressens quelque chose qui me secoue énormément : tous comme les élèves, je passe mes journées à côté d’adultes qui, pour la simple raison que nous évoluons dans un milieu qui tient debout par on ne sait quel miracle, cachent ce qui en eux flamboie.
« Soyez gentils », je dis tout le temps aux élèves. Soyez gentils parce que la vie est compliquée, parce que le monde serait putain de plus beau si on parvenait à l’être toutes et tous, parce qu’en fin de compte, c’est ce qui rend heureux. Toutes ces raisons là, je les connais, je les ai intégrées dans mon solfège personnel. Mais soyez gentils aussi parce que vous n’avez pas toujours idée à quel point, jour après jour, vous travaillez avec des ados devenus adultes, qui laissent à peine filtrer l’éclat de leurs lumières d’étoiles.