
Les mois noirs ont commencé.
Au collège de Renais également. Les nuit se rallongent et chaque période de travail également. Réunions et rencontres parents-professeurs, commissions éducatives et entretiens impromptus. Chaque jour de travail colle aux semelles. Des adultes comme des enfants. La fatigue, ce mauvais génie, fait apparaître nos aspects les plus déplaisants. Héléna, l’une de mes élèves les plus gentilles, a éclaté en sanglots pour un mot désagréable lancé par Ethan, qui n’arrive plus à gérer son hyper activité. Il est parvenu à s’excuser en fin d’heure, difficilement, elle ne lui a pas encore pardonné. « Pardon, monsieur, j’arrive pas à m’arrêter de pleurer. »
Chez les adultes, également, on décompense. La salle des personnels devient davantage un lieu de décompensation que d’échanges léger, comme c’était le cas jusque là. On prépare, soucieux, les prochaines échéances, on laisse éclater son mal-être et sa frustration, oui les élèves nous cassent les couilles, parfois.
J’ai l’impression de jouer à un jeu de gestion, dont je suis moi-même le lieu. Préserver son énergie, pour pouvoir assurer des cours de façon lucide et précise, mais en dépenser aussi dans des activités plus réjouissantes, qui me permettent de ne pas devenir le petit bonhomme aigre et désagréable en lequel je me métamorphose quand je n’ai plus le temps d’exister pour autre chose que mon boulot. Racler le fond de son sac à malice pour trouver des activités qui permettent aux élèves de retrouver de la motivation, sans avoir à se retrouver devant un Everest de travail personnel pour en assurer la maintenance. Chaque mouvement est laborieux, alors qu’on n’aspire qu’à de la légèreté.
Cette traversée, je la connais bien, elle durera jusqu’aux vacances de Noël. On claudiquera avec, parfois, des entrechats lorsque le froid recule, que de petites victoires chassent le quotidien qui glace les os en gouttes froides. On prendra soin les uns des autres. Celui qui a plus d’énergie ce jour-là amènera un peu de musique, celle qui ne renonce jamais racontera une heure de cours géniale.
Réussir à faire front, devant la saison triste et poisseuse.