
« Vous avez le droit, de ne pas trouver un cours intéressant. Mais vous devez aussi nous faire confiance. »
Vincent me regarde de son air habituel, lorsque je ne vais pas dans son sens. Surpris, contrarié et hautain. Vincent est un élève adorable, et capable du meilleur quand il est motivé par mes cours. Mais Vincent incarne aussi peut-être l’un des grands maux des enseignants contemporains : la course à l’intérêt à tout prix.
« De temps en temps, on passe par des moments plus techniques, plus abstraits, et à vous, ça vous déplaît. Mais si on passe par là, c’est parce qu’on sait que c’est important pour vous et pour la suite. »
Je n’aime pas prendre les élèves à parti. Mais aujourd’hui, cela fait deux heures que Vincent fait la tête, et je pense qu’il doit entendre, lui et tous ses camarades, ce que je suis en train de dire. De plus en plus souvent, j’ai la sensation de devoir m’excuser quand ce que je propose est moins appétant. Moins immédiatement gratifiant. J’ai beau dire avec le cuir dur, je n’en reste pas moins sensible aux injonctions qui nous sont faites.
Ma voix ne s’est pas élevée d’un iota. Pourtant, il s’est fait dans la classe un immense silence. Quelques fois, les élèves comprennent que je parle de quelque chose qui leur tient à coeur.
« Donc oui, comprendre comment fonctionne un verbe, c’est absolument nécessaire. Et ça fait une heure que je cherche des exemples, des façons précises de tout vous expliquer. Vous me devez de me laisser une chance. »
Vincent hausse les épaules et s’excuse, du bout des lèvres. Amèrement.
Et à la fin du cours, Angelica vient m’expliquer à quel point elle a aimé fabriquer des futurs antérieurs, maintenant qu’elle comprend ce que c’est, un temps composé.