Lundi 16 décembre

Aujourd’hui, le cours de chorale d’A-H était moins bien que d’habitude. C’est-à-dire qu’il était au niveau des cours de chorale que j’ai vus jusque-là et, oui, y compris ceux de Monsieur Vivi. Les cours d’A-H, que ce soient les quelques-uns auxquels j’ai assistés où les ateliers du midi, c’est un truc totalement dingue. A chaque fois, on entre dans un monde qu’elle nous crée. Pas une heure qui ressemble à une autre, pas une chanson qu’elle ne nous ait apprise qui ne nous reste pas gravée dans la mémoire.

Et pourtant, aujourd’hui, A-H se sent nulle. Nulle parce que depuis trois semaines, une classe lui a déclaré la guerre. Je la vois qui en parle, avec dans sa voix un tremblement qui me serre dans la poitrine. Je connais ce sentiment, j’ai éprouvé ce sentiment, bien plus souvent qu’à mon tour. Si on arrive avec toute notre bonne volonté, toute notre envie et que ça ne marche pas, c’est sûrement qu’on a déconné quelque part. Qu’on mérite, probablement, d’être puni.
On est inadéquat.

Faut-il que notre estime de nous-même, à nous, les profs, soit fragile pour que l’on soit touchés ainsi par des salles gosses, qu’il suffirait au fond de punir ? Sommes-nous aussi immatures émotionnellement ?

Peut-être.

Ou peut-être, juste peut-être, nous est-il si difficile de voir où nous naviguons. Sur l’océan des programmes, des attentes. Des histoires individuelles et institutionnelles. Nos convictions, avec tous leurs biais. Nos boussoles sont multiples et toutes défaillantes. Alors oui. Peut-être que le seul compas qui nous reste sur cette mer silencieuse, c’est cette sensation lorsque la fin du cours arrive, ou en fin de journée, de vitalité. Cette impression fugace que ça s’est bien passé. Ce n’est pas grand-chose. Mais c’est bien souvent tout ce que nous avons.

Il y a des dizaines de raisons pour lesquelles ça se passe mal, pour A-H, avec cette classe en particulier. Mais quand on n’a plus accès à la moindre source de force, le diagnostic devient quasiment impossible.

Je regarde A-H et j’ai le cœur serré. Toutes ces réflexions me paraissent tellement brouillonnes, tellement froides par rapport à ce qu’elle tente d’apporter et par rapport à son mal-être.

Alors juste, rester un peu avec elle. En espérant. Très fort.

Laisser un commentaire