Vendredi 20 décembre

Dernier jour avant les vacances. Avec les sixièmes Feunard, nous travaillons à l’évaluation qu’ils auront à la rentrée. Ou plutôt, eux travaillent, avec un sérieux qui me laisse pantois. J’avais prévu de leur montrer la fin des Fourberies de Scapin, de discuter un peu, de me « laisser porter par leurs questions » comme le disait B. quand nous étions collègues à Grigny. Je me retrouve désoeuvré, et presque de trop, quand je tente quelques pointes d’humour avec M. « Attendez monsieur, on finit de travailler, après on s’amuse. » Les bruits de vidéo au loin ne les déconcentrent pas. Et ils partent, après avoir présenté un dernier livre; comme ça, pour le plaisir, alors qu’ils ont terminé leur bingo littéraire.

Dans la salle des profs, des morceaux de rock japonais – les miens – succèdent à Mariah Carey. Avec D., nous parlons du rapport de Miyazaki à la nature, en se baffrant des cookies de Noël laissés par l’anonyme du jour. Ce soir, je vais voir A-H chanter en concert. Et en attendant, je révise le texte de théâtre de l’atelier dans lequel je suis entré grâce à S.

Je suis plus riche, depuis que je sus arrivé à Renais. Comme je l’ai écrit ailleurs hier, je suis couvert de l’or que l’on trouve dans les rivières. Et de celui que l’on distingue au fond d’un violoncelle baroque, de la compréhension, finalement, de l’emploi d’un auxiliaire. Je suis plus riche de ces expériences sans doute parfois trop intenses.

Mais je regarde mes mains et elles brillent. Hier au téléphone, mon père m’a dit qu’il ne m’entendait pas dans la voix la fatigue habituelle du mois de décembre. Sans doute a-t-elle été remplacée par autre chose. Pour la première fois de ma carrière, j’avance sans retenue. Pendant dix-sept ans, j’ai conservé, précieusement, ce syndrome de l’imposteur. Cette ultime barrière : un concours obtenu par hasard, le fait que tout cela n’était qu’un malentendu qui finirait pas s’éclaircir.

Plus maintenant.

Hé, vous avez vu ? Je suis prof, en vrai.

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