Vendredi 3 janvier

Aujourd’hui, T. sort un livre, et ça me rend très heureux pour lui. Dans la grande librairie, il défend, mangé de stress, le texte qui tient aujourd’hui enclos dans une couverture cartonnée. Il parle du cœur et du travail, il parle bien. Son roman, c’est celui d’un élève, d’un prof et d’un stylo quatre couleurs. Évidemment que je m’y reconnais.

Et puis les questions du public. Il a évoqué, dans son discours, la différence entre élèves et enfants. Comment, comment peut-on donc les dissocier ?

Ma main s’élève, ma main tremble, ma parole aussi, un peu, quand on me la donne. Je raconte cet instant de révolte, lors de ma formation, lorsque l’intervenante nous avait expliqué que les jeunes enseignants aimaient « trop souvent les enfants contre les élèves. » Nous étions sages, c’était la seule fois où nous nous étions opposés, furieux.

Avec le recul, c’est ce que je tente, déjà terrifié, d’expliquer, je pense que cette personne tentait de nous protéger. Maladroitement. Voir en chaque élève l’enfant, l’individu, l’être humain et ses potentialités infinies, c’est basculer dans un nexus, dans un vortex. Comment prendre soin de vingt-six, trente, trente-sept personnes, et de tous les univers qu’elles renferment ? Alors, pour se protéger, les réduire ? Les soumettre au statut d’élève, uniquement ? Peut-être est-ce la seule façon de sortir intact de l’expérience, en effet.

Je ne connais pas un seul prof intact.

Laisser un commentaire