
Les élèves de la chorale sont en train de pique-niquer dans une salle de répétition de l’opéra de Rennes. Ils laissent tomber des miettes de chips là où ils ont répété pendant trois heures avec à peine dix minutes de pause. L’après-midi, ils visiteront le vénérable édifice qui, à n’en pas douter, s’étrangle un peu en les voyant sautiller sur la scène et courir un peu trop vite dans les escaliers. Ce lieu qui les écrasait de sa révérence quand ils y sont entrés est désormais chez eux. « On va bientôt chanter là », répète Léana, incrédule, en désignant le centre de la grande salle.
« C’est aussi ça, l’éducation, même si on a loupé des heures de cours », rigole ma collègue MV en sortant. Et elle a raison à un point inimaginable. Ce jeudi, un petit groupe d’adulte a donné à une trentaine d’enfants l’opéra. Leur a montré qu’il leur appartient, autant qu’à n’importe qui.
Il leur appartient autant qu’à n’importe qui.
« Madame, on est en avance, on rentre pas direct au collège ! »
A-H, prof de musique et chef de cœur (ce n’est pas une faute de frappe) les regarde sereinement :
« On fait quoi, alors ?
– Ben on chante ! »
Des moments comme ça, ça n’existe pas souvent. Nous sommes au beau milieu de la place Sainte-Anne, et les mômes de ce collège REP s’alignent, voix une voix deux, les adultes au milieu. Et de notre mieux, nous entamons une vieille chanson suédoise.
« Qui peut faire de la voile sans vent,
Qui peut ramer sans rames,
Et qui peut quitter son ami
Sans verser de larmes ? »
Aucune idée. Mais qui peut être très, très heureux, ça je le sais.