
Lukas aurait besoin d’un AESH.
Lukas ne pose aucun problème en classe, hormis parfois quelques bavardages. Lukas travaille correctement, comprend pourquoi il est là.
Mais Lukas est à côté. Systématiquement, il prend le contrepied de ce que je lui demande « Est-ce qu’à la place de rédiger ce texte, je ne pourrais pas plutôt l’écrire comme si j’étais un fantôme ? » Lukas a des millions d’idées à l’heure, elles se bousculent, fusent et puis s’éteignent. Lukas a les yeux qui brillent d’enthousiasme, qui succède à l’ennui parce que je ne peux pas répondre à tout, parce que je n’ai pas le temps d’approfondir tout ce que je lui explique en particulier.
Je ne suis pas le seul à l’avoir remarqué. M. le voit également. Alors quand les trois – ils sont trois bon sang, c’est déjà énorme – élèves dont il a la charge n’ont pas besoin de lui, il passe un peu de temps avec Lukas. Discute, échange des idées, lui consacre cinq minutes rien qu’à lui. Cinq minutes, pour un prof dans une classe de vingt-cinq, c’est énorme. Et Lukas sort de ces cours là heureux. Et souvent en ayant abattu infiniment plus de boulot qu’à l’accoutumée.
Lukas me brise le cœur, parce que sais que je lui fais du mal en lui demandant d’arrêter un raisonnement qu’il développe depuis trop longtemps, ou de mettre en pause le scénario génial qui lui a fusé en tête en plein cour de grammaire. Je me dis que peut-être que ces quelques instants que la présence apaisante de M. lui procure le sauveront un peu. Mais c’est tellement, tellement éphémère.
Et combien sont-ils, comme lui ?