Samedi 15 mars

Verre avec L. Une collègue que j’avais rencontrée l’année dernière, alors que je bossais au lycée d’Agnus. L. doit être l’une des profs les plus motivées et énergiques que je connaisse. Et lorsque nous exercions dans le même établissement, j’avais la sensation qu’elle se démenait à un point inconcevable.

Il n’empêche que je la vois rouler des yeux et me regarder un brin inquiète lorsque je lui parle de mes diverses péripéties au collège de Renais cette année. Ça n’est ni triste ni grave, et ça n’atteint en rien notre amitié, mais c’est un fait : nous n’évoluons plus dans la même réalité professionnelle. C’est aussi, j’en suis persuadé, l’une des raisons qui fait qu’il est très difficile de faire comprendre à des personnes extérieures les métiers de l’éducation : nous évoluons dans une infinité de dimensions parallèle, que l’on appelle aussi établissements scolaires. Combien de codes propres à chacun d’entre eux finissons-nous par adopter, sans même nous en rendre compte ? Des codes difficiles à intégrer, pour quelqu’un venant de l’extérieur. Et lorsque nous évoquons, L. et moi, une expérience difficile que nous avons vécue quand nous étions collègues, nous nous demandons encore comment nous avons pu la vivre aussi aisément.

Balles de flipper dans des mondes avec leurs codes, leurs règles. Je me demandais, récemment, pourquoi l’expression « vivre-ensemble » m’agaçait à ce point (hormis le fait que je déteste qu’on substantive les verbes) : j’ai la sensation que peu de monde se rend compte de ce que ça recouvre. Faire coexister des réalités absolument hermétiques les unes aux autres. Je ne suis même pas sûr que je comprendrai celui que j’étais lorsque j’exerçais à Grigny, ou à Criméa. Alors comprendre les autres.

Mais ça n’a en rien altéré les rires que L. et moi partageons. C’est un réconfort.

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