Mardi 18 mars

Nous sortons de l’atelier théâtre. L’une des élèves qui joue le rôle de Françoise, dans Le repas des fauves, m’arrête pour déchiffrer le post-it que j’ai scotché à ma chemise :

« Je porte du vert, c’est juste vous qui êtes daltonien. Ça veut dire quoi ?
– J’en avais assez que mes collègues me reprochent de ne pas avoir mis de vêtement vert pour la Saint-Patrick.
– Vous auriez dû leur dire que c’était votre caleçon.
– Ils savent tous que je n’en porte pas. »

Trois quatre troisièmes éclatent de rire avant de se diriger vers leur cours. Je crois que c’est ce qui me manque, cette année. J’aime énormément enseigner aux sixièmes et aux cinquièmes. Ils ont un enthousiasme et une envie de découvrir de nouvelles choses qui fait qu’on ne s’ennuie jamais. Mais, de par leur âge, il est souvent difficile de pousser un peu loin le second degré, de rire d’une blague avant de passer à autre chose, ou d’aller un peu loin dans le raisonnement. Ça arrive. Mais pas souvent.

J’enseignais au lycée l’année dernière. J’ai adoré pouvoir réfléchir en profondeur aux enjeux d’un texte, leur apprendre à circuler dans une œuvre, voir leur esprit se former. J’ai pesté contre le manque de liberté dans la façon dont je menais mes cours et le programme.

Je ne parviens pas, depuis que je suis revenu en Bretagne, à obtenir un poste fixe. Et je laisse chaque année des plumes et de l’énergie, à changer de bahut. Pourtant, d’une façon bizarre et peut-être pas très saine, c’est aussi ce qui me convient : cet infini mouvement, cette exploration sans fin des intelligences et des esprits en formation, à tellement d’instants précis. Je me brûle un peu chaque fois à leur éclat, et pourtant, c’est ainsi que je me sens vivant dans ce métier.

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