Jeudi 20 mars

Il fait soleil sur les fauteuils en palettes, à l’arrière de la salle des personnels. Je discute avec A. et S., deux AED – surveillantes – et leur raconte en rigolant qu’il n’y a que huit postes vacants pour tout le département, en cette période de demande de mutations des profs.

A. cligne des yeux. Je la trouve extrêmement belle et impressionnante, d’autant plus qu’elle ne dit quasiment jamais que des choses justes ou intelligentes. Est-ce qu’on a envie, tous les trois derrière la salle des personnels, d’avoir de la stabilité ?

Nous les instables. C’est vertigineux comme pensée. Je l’ai dit mille fois dans cette saison du journal, c’est le fait de changer qui continue à me faire aimer ce métier. Et je frissonne à l’idée d’accéder à ce qui est légitimement le rêve de nombreux collègues, et de me rendre compte que je suis malheureux. Parce que le bahut qui finira par m’accueillir ne correspondra pas totalement à mes attentes – quel bahut le pourrait – parce que je me sentirai obliger d’être professeur principal, de siéger au conseil d’administration, d’avoir les enfants de mes premiers élèves en sixième…

Mais la différence entre A., S. et moi, c’est l’âge. Près de vingt années nous séparent. Elles ont encore la force et l’énergie pour tout renverser. Je commence, indubitablement, à peiner. Mes muscles se font plus raides, mes pas de danse plus pesants.

Est-ce donc cela, la limite ?

Je ne suis pas naïf, à quarante-trois ans, si je quitte le navire de l’Éducation Nationale, changer de métier sera un défi immense. Mais je ne souhaite pas, il n’en n’est pas question, passer le reste de ma vie active mal chaussé. Malheureux ou insatisfait. La quête du bahut ou du boulot parfait.

Comme si c’était pas déjà assez compliqué de faire comprendre ce qu’est la chanson de geste aux cinquièmes Astronelle.

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