Vendredi 21 mars

Parfois, les blocs se mettent en ordre.

Les cinquièmes Astronelle sont redevenus une classe rodéo. Je sors de chaque heure ou presque épuisé, par l’énergie qu’il me faut déployer pour qu’ils ne s’insultent pas, pour rester bonhomme et mesuré dans mes réponses face à leur agressivité et leur envie de se montrer détestables. Pour percer à travers la couche des problèmes de comportement et arriver à des situations, simplement, d’apprentissage.

Et une fois encore, je me rends compte que ça ne tient bien souvent qu’au hasard.

Je les ai mis à travailler en groupe sur un extrait bien velu de La chanson de Roland. Recette pour un désastre. En général, ils renâclent et protestent à la moindre difficulté. Ici, le fait que le boulot soit évalué et qu’on en soit, bon an mal an, à notre sixième heure de cours sur la chevalerie les pousse à mettre le nez dans le texte. La seule consigne est de répondre « le mieux possible » à cinq des dix questions que j’ai préparées sur la fessée que se prend le neveu de Charlemagne. Ce « mieux possible » semble les rassurer. Ils tentent, un peu moins paralysés ou déjà défaits par la perspective d’un échec.

« Mais monsieur, me demande Ludmilla lorsque je les retrouve, le lendemain, on va travailler sur ce texte ?
– Vous venez de le faire. »

Ça leur en coupe la chique, dis donc. Je commence à leur parler de la dimension politique de l’histoire. De son côté propagande.

« Tout le monde comprend ? »

Et, un peu bouche bée, oui, ils se rendent compte qu’ils comprennent. Parce qu’ils ont eu le nez collé sur les mots pendant presque une heure. Et nous parlons difficulté à vérifier les sources, rapport à la vérité, fake news peut-être ? C’est très magistral et ça pourrait tourner à la catastrophe.
Ça ne tourne pas à la catastrophe.

Ce cours était complexe. Mais je leur ai déjà fait des cours complexes, qu’ils m’ont renvoyé à la figure. Je n’ai pas l’impression d’avoir davantage mobilisé leur intelligence qu’à l’accoutumée. Seulement, cette fois, ça a fonctionné. Comme toujours, accepter la victoire, s’en faire une source de force. Pour la suite.

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