Mercredi 9 avril

Je me retrouve à discuter avec un groupe de personnes qui ne sont pas dans l’enseignement. Catégories sociales plutôt aisées, et lèvres qui se tordent en un sourire entendu :

« Ah. Prof. Bientôt en vacances, donc.
– Oui. Mais bon, on ne va pas trop en parler hein, tu n’as pas envie de changer d’avis.
– Non mais attends ! Ce que je voulais te demander c’est, tu trouves pas que c’est insupportable, cette expression « des fois », on est d’accord, ça veut rien dire ? »

Je vais probablement paraître très condescendant. Mais comme je l’ai déjà écrit plusieurs fois entre ces lignes, j’ai le sentiment que la simple évocation du métier d’enseignant – non, de l’image du prof – renvoie instantanément aux années que l’on a passé à l’école. Comme si ça ne s’était jamais arrêté, que l’âge adulte n’était qu’une longue récréation dont on se demande, un peu étourdi, quand elle va s’arrêter. Et cette volonté, toujours différente, toujours légitime, de se réapproprier ces années où des adultes nous disaient quoi faire et comment le faire.

Cet après-midi, j’en ai la force. Tenter, pendant une dizaine de minutes, de déconstruire cette amertume larvée. De tenter de recoudre des rapports aux études compliqués, dont on se venge en m’agitant sous le nez un succès professionnel, financier ou humain. Et moi de rentrer chez moi, en me demandant comment faire pour qu’il n’y ait rien à recoudre. Pour qu’on parvienne enfin à ne pas déchirer. Et que ces élèves, adultes et heureux qui m’envoient des mails sereins pour me parler un peu du passé, beaucoup de leur présent – comme Hildegarde, de temps à autres – deviennent la norme plutôt que l’exception.

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