Samedi 12 avril

Passage éclair chez mes parents. J’aide ma mère à animer un atelier d’écriture auquel participent des jeunes gens allophones. Il y a toujours ce truc dans un coin de ma tête, que je combats de toutes mes forces, et que je ne parviens pas à réprimer totalement : ce fond visqueux de condescendance, à voir des collégiens, et ici des personnes presque majeures, à lutter pour formuler des phrases dont la formulation donne l’impression de sortir de l’esprit d’un jeune enfant. Je ne peux m’en empêcher : cette simplicité ne peut être que celle de leur pensée. Et je me déteste d’éprouver ça.
Peut-être que, cette année, D. m’en a un peu sorti. D. est AESH, et enseignait, avant de venir en France, la géographie dans une université : « C’est humiliant, de s’exprimer comme un tout petit enfant. » m’a-t-elle un jour dit, le regard noir. Je crois que c’est ça, qui m’a marqué. Sa colère.

Et tandis que je suis en train d’expliquer les adjectifs de couleur à un type qui fait une tête de plus que moi, je conjure les mâchoires serrées de D. Sa voix étranglée. Pour me rappeler toutes les pensées enfermées derrière les barreaux d’une langue encore hostile.

Une réflexion sur “Samedi 12 avril

  1. C’est très intéressant et il est important que le monde en prenne conscience. Je me souviens d’une phrase lue sur internet. Une femme qui disait: « mais savez-vous à quel point je suis intelligente en espagnol? »

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