Mardi 22 avril

Tandis que les sixièmes Feunard travaillent dans le calme relatif qu’ils ont forgé en m’observant – ils savent très exactement à quelle limite sonore je réagis et sont toujours à sa frontière – je me sens pris d’un léger vertige : ces enfant sont en train de devenir de jeunes personnes. Ce qui n’est qu’une réalité biologique, le fait de grandir, me frappe particulièrement, car cette classe semble avoir eu à cœur de préserver le plus possible, notamment en cours de français, sa part d’enfance. Ils ont l’émerveillement facile, et continuent à accorder leur confiance à l’adulte a priori. C’est de très loin le groupe avec lequel je me sens le plus d’affinités.

Mais il y a désormais dans leurs attitudes, leurs regards, leur geste, un je ne sais quoi qui se délie, qui s’affirme : ils changent de position sur leur chaise, se tiennent plus droits ou avachis – défier plus ou moins fort la gravité, Elphaba n’est pas la seule à le ressentir – et ont dans le regard une intensité que je ne leur connaissais pas encore.

Ils grandissent. Ils grandissent, et nous nous entendons encore à merveille. Je les accueille à chaque heure avec joie et j’ai l’impression ou la naïveté de croire qu’elle est réciproque.

Il est huit heure vingt-cinq, c’est la reprise, et je suis ému.

Il y a pire, comme façon de recommencer.

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