
« Monsieur, c’est laquelle votre classe préférée ? »
C’est la première fois que la question revient avec autant d’insistance, dans un établissement scolaire. La plupart du temps, c’est plutôt l’inverse « C’est qui votre pire classe ? » Comme toujours avec les cinquièmes Astronelle, je pirouette.
« Je ne sais pas… Je n’ai pas l’impression que vous m’ayiez acheté beaucoup de chocolats, cette année.
– Rooooh non mais allez monsieur !
– Mais pourquoi est-ce que ça vous intéresse à ce point ?
– Ben pour savoir si vous nous trouvez gentils. »
Ça me prend de court, ce mot. Gentil. J’ai beau le brandir à longueur de journée, leur expliquer à quel point il est capital d’être gentil, quand ils se mettent à l’utiliser, je me sens désarmé. Notamment dans cette classe, où ils passent une partie non négligeable de leur temps à s’insulter, et à prendre les sanctions que ça provoque.
« Vous VOUS trouvez gentils ?
– Ben avec vous oui.
– Mais entre vous ?
– Ben c’est pas pareil.
– Ben si c’est pareil. La gentillesse, c’est avec tout le monde.
– Vous dites ça parce que vous êtes pas toute la journée avec eux, là.
– Wesh tu dis quoi là ?
– Fais pas le gars, on aime pas être tout le temps ensemble.
– Ouais j’avoue. »
C’est vrai. Je ne suis pas toute la journée avec d’autres personnes dont je n’ai pas choisi la compagnie. Et à y réfléchir, c’était probablement l’un des trucs qui me pesait le plus, lorsque j’étais moi-même collégien.
« Ça vous affecte ?
– Hein ?
– C’est compliqué, d’être ensemble ?
– Ben. Évidemment. »
Ils sont compliqués, cette année les cinquième. Retors, souvent. Mais qu’ils sont sages.