
C’est quand le soleil brille un peu plus fort, quand le ciel est déjà clair au moment où j’entre dans ma salle de classe que je m’efface.
Tous les ans, depuis que je suis arrivé en Bretagne.
Tous les ans, je deviens, alors, un peu plus immatériel. Parce que je sais que c’est bientôt terminé. Parce que ça ne durera pas. Je sors moins souvent prendre des verres. Je parle un tout petit peu moins avec les collègues. Je fais, comme on dit, un pas en arrière. Parce que j’en ai marre que ça m’arrache le cœur et les viscères. D’à chaque fois m’attacher, et d’à chaque fois savoir que l’histoire va bientôt s’arrêter. On promet que ça ne changera rien – ça change – à nos relations. On se revoit, de loin en loin, dans des cafés impersonnels, et très vite on a bien moins à se dire.
Je trouve ça triste.
Alors je préfère commencer à partir un peu avant. À me détacher. Pour ne pas avoir à en chialer.
Mais pas cette année.
Cette année au collège de Renais, ça a été tellement fort, tellement puissant, que je n’y parviens pas. Je continue à me comporter comme s’il était certain que, l’année prochaine, j’allais continuer à bosser dans ce collège, au pied de l’immense tour.
Je le disais l’autre jour : il y a toujours ce moment, ce moment imperceptible, quand je rencontre quelqu’un, où je décide de m’attacher. J’ai le choix. Et cette année, je me suis attaché à tant de gens, si fort.
Et ces chaînes vont devoir se distendre, parce que ce n’est qu’un boulot, que je ne suis que TZR, qu’il reste une poignée de semaines avant les grandes vacances. Je ne me détache pas, je n’y parviens pas.
C’est comme ça.