Lundi 23 juin

« C’est quoi ce sac de gay ? C’est un truc de gay ! »

Valentin n’est même pas encore installé qu’il hurle déjà en désignant du doigt un sac Ikea flocké aux couleurs de l’arc-en-ciel, qui servait d’emballage pour les cadeaux de Noël offerts par mes parents et que je trimballe souvent pour porter des trucs lourds au bahut. Impossible de faire taire le môme une fois qu’il est parti dans une phase de provocation. Il se contentera de répondre « Non » à tout, jusqu’à ce qu’il soit calmé ou exclu. Il fait tellement de bruit qu’il rend impossible toute tentative de retour au calme.

Seulement, cette fois, il se passe deux choses.

La première, c’est que les 6e Feunard se tournent vers lui en roulant des yeux. « Mais qu’est-ce que tu racontes ? » lance Belinda, qui joue mieux que tout le monde des scènes de théâtre. Elle a un sourire et un aplomb qui, l’espace d’un instant font taire son camarade. Tino embraye « C’est un sac, faut doser. »

Valentin tourne la tête, et il s’aperçoit des sourires autour de lui. Pas moqueurs, juste amusés. Les sixièmes Feunard gardent dans leur dentition quelque chose de gosse.

« Truc de gay, truc de gay ! »

Excédé, M. déploie son mètre quatre-vingt dix d’AESH et va attraper l’objet de la discorde derrière mon bureau. Puis il se retourne vers Valentin, sac au bout du bras.

« Attention, je vais te toucher avec. »

Débute alors une course poursuite entre un adulte de vingt-quatre ans et un môme de douze. On dirait la parodie de Buffy contre les vampires la plus perchée du monde. Valentin finit par disparaître dans le couloir en panique, avant de réapparaître, penaud, quelques secondes plus tard et d’aller se rasseoir. M. agite les doigts dans sa direction.

« Attention, j’ai touché le sac, c’est contagieux, si ça se trouve. »

Éclat de rire général. Il sera temps, après le cours, d’expliquer à Valentin. Encore une fois. Mais pour le moment, apprendre à ces gentils mômes que parfois, on peut défaire l’obscurité par le drôle. C’est pas souvent, c’est quand, en fin d’année, les adultes arrêtent d’être sages, c’est quand deux amis se retrouvent dans la même salle de classe et que le vent souffle dans la même direction.

Mais n’empêche. Ça arrive.

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