
C’est la première fois, la première fois depuis que j’ai quitté les tours de Grigny. Les grilles que je franchis pour retourner travailler cette année sont les mêmes que l’année dernière. Qu’il y a deux mois en fait. Devant le digicode, mes doigts recomposent le code sans aide de mon cerveau. Retransbahuter dans « ma » salle le matériel que j’avais récupéré, fin juin. J’ai même replacé dans l’armoire au fond de la pièce ma peluche de chocobo : un gros poussin jaune tenant un livre entre ses ailes.
Retrouver aussi, bien entendu, des visages et des voix. Aujourd’hui, je ne suis pas en train de scruter, d’essayer de saisir la géographie des sourires et des postures. Je sais qui sont ces gens. Et je prends le temps d’accueillir ceux qui passent pour la première fois la porte. C’est un peu prétentieux, sans doute, mais ça me fait plaisir.
Et surtout – j’en parle le soir à M. parce qu’évidemment, le soir avec M., on va parler de notre été, de nos vies, et de ce qui nous attend – je ne ressens pas cette étrange métamorphose, toujours un peu douloureuse. Je n’ai pas besoin de me demander qui je vais être, comment me comporter parmi ces collègues, dans ce type de bahut. Je le connais déjà. J’y ai vécu tant de chose. J’y ai notamment appris, justement, à arrêter d’avoir peur, peur de ne jamais être à la hauteur. De mes collègues, de mes élèves, de ce boulot.
Aujourd’hui, je suis revenu à Renaïs. Et tandis que je découvre la liste des élèves à qui j’enseignerai – certains familiers – une pensée me vient en tête. J’ai toujours besoin de me raconter des histoires, et toute histoire à besoin d’un synopsis, d’un pitch. Cette année, il aura cette forme : cette année, j’aimerais prendre soin. De ce que j’enseigne, du langage, de mes élèves, de mes collègues. De moi.
En scène.
L’année dernière, les événements ont fait que j’ai pas pu suivre le journal de bord et ça m’a manqué. Cette année, je suis de retour à bord et j’ai hâte que les billets m’accompagnent pendant mes heures de surveillance à l’internat o/
Je ne suis qu’une lectrice des internets, mais je suis vraiment heureuse pour toi que tu aies pu revenir dans cet établissement ! Que cette année te soit douce.