Mardi 2 septembre

Je les ai rencontrés, j’ai rencontré les quatrièmes Farfuret, durant quatre heures et demie. Rentrée plus première heure de cours. Je suis leur professeur principal, ce sera donc celles et ceux que je protégerai, sur lesquels j’aurai toujours un œil.

C’est aussi la classe du « jeu des options ». La formule qu’on euphémise du bout des lèvres. « Ah oui, t’es le PP des Farfurets ! Non non, c’est normal… Avec le jeu des options. »

Dans la quatrième Farfuret, en effet, ils sont nombreux à faire allemand, latin, chinois, anglais renforcé, chorale, théâtre, option cuisine, ateliers jeu de société et j’en passe. Des mômes totalement intégrés dans le collège, qui y évoluent comme des poissons dans l’eau. Des mômes qui ont les moyens familiaux, affectifs, sociaux de s’y sentir bien.

Et évidemment, ça me démange. Évidemment, j’ai au coin des tempes les termes qui vont bien « élite », « reproduction sociale », « inégalités ».

Je les ai rencontrés, j’ai rencontré les quatrièmes Farfuret. Et ce sont aussi des enfants. Des enfants à qui j’ai envie de donner, ce que je donne à chacun : les envies et les moyens de son émancipation par mes portes, celles des textes et du langage. Les concernant, il n’y a pas à sortir de là.

Mes combats, je le crois sincèrement, sont justes. Mais ces mômes de quatorze ans ne sont pas les avatars du système que je réprouve. Ils sont comme tous ceux à qui j’enseigne à Renais, des êtres qui brillent de toutes ces possibilités. Qui ont besoin de nous, qui avons fait une partie du chemin, plus ou moins imparfaitement, pour les rassurer, leur montrer, leur servir de modèle ou de contre-exemple.

Je lutte et enseigne pour eux. Pour eux également.

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