
J’entame le cours par un sonore :
« Eh ben oui, votre prof a craqué, on est début septembre et déjà, il vous passe un film ! »
Parce qu’après tout pourquoi pas ? Nous avons tiré les rideaux et les quatrièmes Florizarre sont regroupés devant le tableau blanc, sur lequel le vidéoprojecteur leur balance les aventures de Sally Sparrow, l’héroïne de Blink, l’épisode mythique de Doctor Who. Objectif pédagogique : leur montrer la différence entre fantastique et science fiction.
Objectif personnel ?
Entendre leurs rires, devant les situations tellement kitschouilles de cet épisode, mais aussi les « noooooon », quand apparaissent à l’écran les terrifiantes statues, qui ne s’approchent de vous que lorsque vous ne regardez pas. Petit à petit, les commentaires s’arrêtent et les yeux s’agrandissent. Ce n’est plus à leurs camarades qu’ils parlent, les quatrièmes, mais aux personnages. « Mais cours, cours ! » « Attention ! » Et plus tard, encore, comme c’est déjà arrivé à d’autres moments, avec d’autres élèves, dans d’autres vies, je les vois se rapprocher les uns des autres. Ils partagent leur peur et se protègent mutuellement. Parce que, bon, dans la pénombre de la salle de ce prof déjà chelou, on peut se l’avouer, qu’on a les chocottes.
Et quand les crédits défileront, dans le « wooouuuhouuuuhoooooouh » du thème final, il y aura des soupirs étouffés, des rires et deux trois applaudissements. « En fait, j’ai même pas eu si peur que ça. »
On discute de pourquoi l’histoire s’est déroulée ainsi et pas autrement. De ce personnage qu’était quand même un peu bête de faire ça. De c’est vrai que la série elle date de 1963 ? Mais c’est les Feux de l’Amour en fait monsieur ? Wesh tu connais les Feux de l’Amour toi ?
Ils me demandent comment des statues peuvent être aussi terrifiantes. Comment ils les ont fait bouger.
« Elles ne bougent pas.
– Comment ça ?
– Elles sont toujours fixes, les statues, ce sont les lumières et les plans, qui font tout le travail.
– … »
Pendant vingt minutes nous parlons, à bâtons rompus, avec passion. J’aimerais leur dire que j’espère que nous parlerons souvent ainsi. Mais pour le moment j’essaye de me taire. C’est mon défaut, j’en dis souvent trop. Et je me contente de penser, penser à cet autre épisode de Doctor Who. Ces deux autres, en fait, la réplique a été dite deux fois, exactement la même, à plus de cinquante ans d’écart :
« La peur fait de nous des compagnons. »
Soutien à l’élève rejetté.e de toustes pour connaître Les Feux de l’Amour ✊️