Mardi 16 septembre

« Mais ça va, hein ! »

Il est 16 heures, c’est l’heure à laquelle la lumière baisse en salle des personnels. I. est assis, très droit, sur une chaise en plastique. Je me fais la réflexion que les mouvements gracieux de ses mains, pendant qu’il nous raconte son weekend chaotique, sont à l’opposé de sa posture. En effet, il a déménagé seul dimanche et son dos le lui reproche. Il a aussi fort à faire, en cette première année d’enseignement, avec ses élèves.

« Mais ça va, hein ! »

Je me demande si on ne l’a pas toustes prononcée, cette phrase, à un moment de notre carrière. Et probablement au début. Pour une congrégation dont on dit qu’elle n’est jamais contente, il y a une drôle de pudeur des profs à se plaindre lorsqu’on est vraiment en difficulté. Avec une autre collègue, avec qui je ne parle pas assez souvent, on tente de lui donner des mots de réconfort. Sans trop faire les sages sur un monticule de certitudes, ou de culpabiliser quelqu’un qui galère déjà suffisamment. Lui montrer qu’il est entré dans un endroit où sa parole sera toujours reçu. On lui parle du fait que oui, c’est compliqué de réussir à baisser le rideau sur sa vie professionnelle, une fois rentré à la maison. Du fait qu’ici à Rénais, on trouve facilement deux ou trois collègues qui déplaceront une armoire avec toi.

En un mot comme en cent, on tente de prendre soin.

Ces efforts sont dérisoires en regard des fardeaux que nous portons, en tant que personnes qui enseignons dans des quartiers de plus en plus dévorés de misère et tout simplement qu’être humains. Mais ils sont nécessaires. Jamais totalement isolé. Jamais totalement seul. C’est, je le souhaite, ce qu’I emportera, dans le coucher de soleil blanc des soirs d’une automne presque là.

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