Et le dimanche, on s’évade !

Il ne me paraît pas déconnant de comparer la sensation de lire Yoko Ogawa à celle de lire Proust. Parce que dans ses nouvelles, on retrouve l’un des premiers trucs qui accroche, quand on se lance dans La recherche du temps perdu : la connivence. « Ah oui, ça aussi je l’ai déjà vécu. Je l’ai déjà éprouvé ! » À un siècle et demi d’écart, il y a cette volonté de saisir, très doucement, ce que l’expérience humaine a de dénominateur commun, de le placer dans les mots, de la, comment dire, condenser.
Mais là où Yoko Ogawa, comme toujours, place sa marque, c’est dans l’étrangeté. La solitude, la recherche d’un absolu, la douceur, tout est éclairé sous le prisme bizarre de situations incongrues : une ancienne actrice vivant au milieu de citations de Tennessee Williams écrites partout sur sa vaisselle, une couturière assise à une machine maudite, une femme assistant à soixante dix neuf représentations des Misérables. Des situations minuscules, qui catalysent notre humanité. C’est beau et triste, c’est admirablement traduit par Sophie Refle, c’est merveilleux.