
En traversant le hall, j’aperçois Evilan. Trois adultes l’entourent, et font des bruits d’adultes concernés. Evilan, j’étais son professeur principal l’année dernière. Mes collègues et moi avons tenté tout ce que nous pouvions pour faire en sorte qu’il s’intègre en classe. Pour qu’il arrive à exister en paix avec ses camarades, qu’il amène ses cahiers et cesse de frapper les autres à coups de compas en les insultant. Ou en insultant les adultes.
Échec cuisant.
Je traverse le hall et mes jambes ont presque – presque – cette inflexion qui me dirigerait vers lui, les chaises, les adultes concernés.
Mais ça n’est plus mon problème.
J’ai cette année des classes où certains élèves ont des problèmes, d’ordres très variés. Mais aucun ne me met en difficulté, professionnellement et humainement, comme l’a fait Evilan l’année dernière. Je suis soulagé, et je vomis ce sentiment de soulagement. J’en suis débarrassé, de ce môme. Je pourrais m’amuser à raconter qu’ainsi, il trouvera un autre regard, d’autres adultes qui l’atteindront peut-être. Mais c’est de l’esbroufe. La vérité, j’en ai peur, est que se joue en modèle réduit l’existence de tant d’enfants et d’adultes en souffrance, brinquebalés entre les soupirs inquiets de responsables impuissants, qui ne veulent pas d’eux. Pendant combien de temps ? Jusqu’à ce qu’il se passe quoi ?
Evilan n’est plus mon problème. Effacer, se concentrer sur les urgences de l’année.
C’est à ce prix-là, que je suis enseignant ?