Dimanche 9 novembre

Et le dimanche, on s’évade !

Ça me tourne sous le crâne, alors j’ai envie d’en parler.

Je tombe amoureux d’artistes. Parce que ça me porte, parce que leurs mots, leurs voix et leurs corps me sont autant d’appuis. Autant de prises auxquelles je m’accroche et c’est comme gravir une paroi mais infiniment plus vite, infiniment plus fort tant que mon sang bat à leur unisson. Björk, Gaspard Ulliel, Françoise Dorléac, Cécile McLorin Salvant, Benjamin Millepied.

Et Cole Haden, donc. Le chanteur de Model/Actriz, que j’attends, au pied de la scène ce soir-là. Je campe depuis la fin du dernier concert, je serai devant, tout devant. Un trait de paillettes sous la pommette et les bouchons arrachés des oreilles. Trop de temps passé à choisir des vêtements. Tout ça est ridicule et démesuré pour un concert parce qu’on est ridicule et démesuré, quand on est amoureux.
Le concert commence, et je comprends dès que les lumières oscillent que je ne suis pas là pour écouter. Écouter, c’est quand je suis sage, quand je veux que ce soit beau, quand je veux être terrassé par l’émotion esthétique. Là, je veux juste laisser les vibrations qui parcourent le sol prendre le relai de mes rythmes cardiaque et nerveux. Je veux contempler un instant le tableau qui flashe sous mes yeux, à quelques mètres de mes doigts tendus : trois musiciens exceptionnels, figés dans la concentration de notes à lancer dans l’air surchauffé, dans des lumières bleus et froides. Et au milieu, un chanteur sans instrument, qui virevolte en talons, mouvements de ballerine, pirouette, sans que jamais la voix ne s’étiole. Je me dis que quelqu’un a mis une caméra dans ma tête et filme en direct. Je me dis que j’aimerais montrer cette scène, quand on me demande à quoi je pense, quand on me demande comment je me sens. Le tulle et les aigus de la voix, le grotesque du bras tendu, la ligne de basse implacable.

J’ai à nouveaux tous les âges, je plante mes yeux là où j’imagine que sont ceux de Cole Haden, je m’offre l’illusion de croire que mes pupilles seront son appui durant toute sa performance – c’est tellement difficile, il doit en avoir tellement besoin – je ne lâche plus le regard ni le son. Je suis, dans ce temps glacé, entier. À mes côtés, M. vit fort, vit différent, ce qui nous arrive. Ça me donne encore plus de force.

Je tombe amoureux d’artistes. Parce qu’un instant, tout est plus lisible. Parce que je ne guéris de rien.

Mais que j’embrasse tout.

Une réflexion sur “Dimanche 9 novembre

  1. Pingback: Revue de blogs #18 – Grignotages

Laisser un commentaire