Jeudi 10 novembre

“Ça y est, vous êtes passé au pantalon, Sigurd ?”

Jusqu’ici, je n’ai connu Sigurd que jambes nues.

“Non monsieur, c’est qu’aujourd’hui, c’est la journée contre le harcèlement.”

Je fronce les sourcils, un peu perplexe. La journée pour le harcèlement prévoyait un code couleur, couleur qui n’est présente sur aucun des vêtements que porte cet élève de quatrième aujourd’hui. Sigurd a donc troqué son éternel short de sport contre un jean slim, son sweatshirt contre une veste cintrée dont dépasse une chemise. Ses cheveux libres de leur serre-tête.

Il y a quelque chose chez Sigurd sur lequel je ne parviens pas à mettre le doigt. Depuis le début de l’année, il ne cesse d’affirmer que son but est clair. Qu’il sait déjà vers quels études il se dirige, de quelle manière, et quelle sera sa vie.

Et pourtant. Pourtant il y a comme des parasites, grignotant cette image limpide. Des vêtements, ou des accessoires qu’il va porter un jour, ou même une heure. Des changements dans son niveau de langue, ou dans sa façon de se tenir. Quelques sondes lancées à la frontière de ce futur auquel il semble parfaitement déterminé.

J’ignore – encore – à quoi cela rime. Mais, entre deux cours sur la nouvelle réaliste, je suis intrigué. Que veut-il, Sigurd, en me montrant le brouillon parfait d’une fiche lecture, deux heures après que je la leur ai donnée à faire ? Il a haussé les épaules quand je m’en suis étonné.

“J’avais une heure de permanence, juste avant…”

Il existe des mômes qui sont des énigmes. Et moi de l’observer du coin de l’œil.

Laisser un commentaire