Samedi 12 novembre

“C’est un peu une classe de freaks”, a dit leur professeur principal en rigolant au sujet des quatrièmes que nous avons cette année en commun.
Il y a quelques années, je crois que ce qualificatif m’aurait réjoui. Et c’est vrai qu’ils ne sont pas comme les autres. Ce sont eux qui m’ont proposé de faire du jeu de rôle, les seuls à se teindre les cheveux, à avoir des looks un peu extravagant. C’est dans cette classe qu’il y a celle qui écrit des lettres d’amour à Dostoïevski et celui qui joue merveilleusement du piano.
Mais si elle me rend immensément heureux, je m’applique à ne les voir ni plus ni moins freaks que les autres. Ne pas en faire de petites curiosités.
Pas plus que les autres classes ne sont moins exotiques. Moins intéressantes. On se penche sur les mômes et on y trouve là aussi d’étranges nuances. Des dissonances qui forment une mélodie qu’on appelle une classe de collège.
C’est une partie, et non des moindres, de mon boulot d’enseignant. Une de ces parties que je galère à exprimer comme le montre ce laborieux billet : regarder les mômes, les regarder vraiment, dans ce qu’ils ont d’incohérent, d’unique, d’étrange.
Parce que s’il leur faut se mettre au diapason du collège, il n’y a pas à tortiller : il faut aussi que la mélodie de notre enseignement suive leur tempo.