Lundi 5 juin

“Ne sois pas trop sévère, tout le monde mène un combat difficile.”
Oui, cette citation est gênante – en anglais on dit : cringe – mais j’ai beau en faire le tour, je ne parviens pas à la trouver totalement débile. Pire : elle m’est souvent utile.
Comme lorsque je vois des parents d’élèves.
Comme tout le monde, comme de nombreux autres enseignants, il m’arrive d’essentialiser : “Là-bas – là-bas, c’est là où je bosse – c’est la violence / la misère sociale / des CSP++.”
C’est confortable d’essentialiser. Ça permet de se sentir plus à l’aise avec le sentiment de mépris dégueulasse qui naît en nous quand un parent d’élève nous demande un entretien, que l’entretien en question te prend une heure, qu’il ne va nulle part, parce que les phrases sont mal foutues, que les idées émises, tu trouves, sont débiles, que tu en sors sans avoir rien appris.
“Ne sois pas trop sévère, tout le monde mène un combat difficile.”
Je tente de voir chacun de mes élèves comme un individu à part entière. Un réservoir potentiel de merveilles. Ils sont les plus fabuleux, pour la bonne raison que nous nous sommes rencontrés.
Et pourtant, j’ai énormément de mal à avoir autant de bienveillance avec les adultes. Parce que je les estime responsables de leur sort, parce que je veux qu’ils se comportent de façon digne, parce que je veux…
Hey.
Du calme.
Ne sois pas trop sévère.
Ne sois pas non plus dans la commisération.
Oui, il y a des adultes et des parents dont les comportements sont alarmants. Mais plus encore qui, tout simplement, ne sont pas sur ta longueur d’onde. N’ont pas tes valeurs. Ça n’est pas grave. Prends ton temps, là aussi. Écoute-les. Oh, et plutôt que cette citation un peu douteuse, pourquoi tu ne t’en tiens pas à ce principe, que tu serines à tes sixièmes depuis le début de l’année, et qui semble avoir fonctionné, si bien fonctionné que c’était un miracle ?
“Prenez soin les uns des autres.”