Lundi 4 septembre

“On a dû vous dire que le moment avait une conscience.”
– Doctor Who, The day of the Doctor

Je n’aimerais pas rencontre le Docteur, de Doctor Who. Je voudrais être le Docteur.

Je sais, c’est prétentieux. Être un extra-terrestre quasi-immortel, capable de sauver une planète au-delà du temps, ça nécessite pas mal d’ego. Et peut-être est-ce encore plus égocentrique de l’affirmer ça n’est pas pour ça.

Je voudrais être le Docteur parce qu’il est capable d’ouvrir l’univers à ses compagnons.

Retour sur cette petite planète banale que l’on appelle la Terre. Où, parce que sa population humaine fait n’importe quoi, il fait aujourd’hui trente-quatre degrés dans les salles de cours du lycée de Keves. Enfin, dans les salles exposées nord. Dans les salles exposées sud, on n’ose pas regarder le mercure en face.

C’est dans l’une de ces salles que je découvre une de mes deux classes de premières. Ils sont pour la plupart grand, souvent élancés. Un âge où le corps aspire à la verticalité. J’ai commencé par leur expliquer à quoi ressemblerait l’année de français, ils m’ont très gentiment fait comprendre que, monsieur, nous sommes au courant, tout de même.

Alors plutôt que de parler dans le vide et me sentir de plus en plus inadaptés à ces élèves, j’ai commencé mon cours. Ça parle du théâtre. Rappels, la tragédie grecque. Un extrait du Phèdre d’Euripide.

“Si certain ont besoin de contexte, qui peut rappeler au reste de la classe la légende de Phèdre ?”

Léger mouvement, puis regards qui se clouent à la table. C’est la deuxième question que je pose à laquelle ils n’ont pas la réponse, j’ai l’impression de débiter des grossièretés.

“Phèdre est plus ou moins la suite de Thésée. Thésée ?”

Ils ont le regard vitreux. Aux limites de l’antipathie. Pauvre Monsieur Samovar, qu’est-ce que tu fais encore ici ? Depuis que tu es entré, tu as enchaîné les maladresses. Ce lycée est trop grand, trop joli, il n’est pas fait pour les enseignants foutraques, qui s’épanouissaient au fin-fond de la campagne, presque à la frontière de la Mayenne, l’année dernière. Tu vas leur faire perdre du temps, tu vas en perdre et…

Respire.

“Vous avez le droit de ne pas savoir qui est Thésée. J’ai juste besoin que vous me le disiez. Rien n’est grave, si ce n’est que là, je vous parle à l’aveugle.
– On sait pas ce que c’est, l’histoire de Thésée.”

La réponse est aigre. Pourtant, elle fait naître en mes membres une étrange énergie. Qui me pousse à me hausser sur la table, juste devant le premier rang.

“Je vous raconte. Il y a un jour une grande guerre entre la ville d’Athènes et la Crète, dont le roi est Minos…”

Ouvrir l’univers.

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