Lundi 2 octobre

Petit à petit, ils émergent. Les élèves. La vague de visages se fendille lentement et laisse apparaître les individus.

Si j’évalue très vite, chaque année, c’est aussi pour apprendre à les connaître. Voir leur écriture, leur nom, leur persona de papier, les appeler pour leur remettre leur copie, ça fixe leurs regards. Partiellement, seulement, mais il y a des noms qui émergent. Souvent de garçons, je retiens avant tout les noms des garçons. J’ignore de quel biais cognitif ou sexiste ça vient, mais ma mémoire est têtue. Et puis, je m’accroche à de petits détails. La façon dont celle-ci souffle quand elle commence à perdre pied dans mes explications. Le collier de perles qu’il porte sur son T-shirt de foot – une nouvelle mode ? Les minuscules origamis qu’elle laisse tout le temps derrière elle en quittant la salle.

Ça reste inconfortable. Les aller-retour entre les bahuts, la découverte de ce qui est presque un nouveau boulot, tout cela m’empêche de prendre du temps. De réfléchir après les cours, de leur parler un peu.

Chaque année, en tant que remplaçant, il faut retisser cet ouvrage délicat et précis, la constellation de nos élèves, de toutes ces personnalités et de leurs énigmes. C’est exaltant et crevant, encore plus cette année.

C’est le jeu.

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