Jeudi 19 octobre

Deux jours de cours, et beaucoup de fatigue. Pour les profs, pour les élèves.

« Comment est-ce que vous allez ? »

J’ai posé la question plusieurs fois, aujourd’hui, à différents endroits. Sur le chemin du cinéma, par exemple, où nous sommes allés voir l’adaptation de Juste la fin du monde, de Dolan. Les élèves sont crevés. Ils me parlent de leurs options, de celles qu’ils hésitent à garder ou à lâcher, du fait de la réforme. Les premières à qui j’enseigne sont quasi-exclusivement des scientifiques. « Vous êtes pas trop déçu, monsieur ?
– Pourquoi ?
– Ben on fera pas un métier littéraire.
– Ça n’est pas pour ça que je travaille avec vous. « 

Je travaille avec eux, notamment, pour voir Ollie présenter un oral type bac de français devant le reste de ses camarades. Le voir hésiter, se planter parfois, mais finalement réussir hyper honorablement. Et provoquer une approbation douce de la part de ses camarades. « Ah oui c’est bien ! Il a réussi, là, monsieur non ? »

Je travaille aussi pour voir les secondes, les yeux cernés de fatigue, commencer à comprendre ce que l’on attend d’eux. Fin d’année, je recours à des analogies idiotes mais qui les font sourire.

« Si le texte est une maison, on ne vous demande pas de dire, « oh, regardez, c’est une maison, elle a des murs, des portes et des fenêtres ! » on vous demande de remarquer la façon dont les ardoises du toit sont agencées, les fissures dans le mur de derrière, la vigne qui monte le long des murs. »
Certains hochent la tête. Ah ouais, c’est ça en fait

Je travaille pour voir, après un mois et demi, les noms qui deviennent peu à peu des visages. Pendant très longtemps, j’ai cru que je voulais que mes élèves m’apprécient. Ça me faisait un peu culpabiliser. À tort. En plus, ça n’est pas ça que je veux, ça se passe dans l’autre sens.

Je veux les apprécier. M’émerveiller devant leurs intelligences, leurs individualités, leur humour et leur profondeur.

Et ça commence à arriver.

2 réflexions sur “Jeudi 19 octobre

  1. Alors là, je la note, cette analogie pas du tout idiote. Aujourd’hui en AP, une élève a remarqué un point d’exclamation dans le poème, et m’a demandé s’il était judicieux de commenter l’émotion qu’il transcrivait. Elle a eu l’air étonnée – et heureuse – quand je lui ai répondu que c’était précisément ce genre de détails qu’il fallait repérer.
    Kalys

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