Vendredi 20 octobre

« Monsieur, on peut sortir deux minutes avant la sonnerie ?
– Toujours pas. »

Depuis le début de l’année, c’est une demande qui revient : les élèves ont la hantise, lors de la dernière heure de la journée, de rater leur bus. S’ils ne sortent pas pile à l’heure, ils sont bons pour patienter trente minutes ce qui, quand on est ados et en fin de journée, semble une éternité. Et depuis le début de l’année, je ne cesse de lutter contre cette angoisse à coup de « Non, la Vie Scolaire ne le permet pas » (un peu lâche), « Non, c’est la loi » (sans aucun effet). « Non. » (direct, mais pas très éducatif).

Et les voir se tortiller sur leurs chaises, leur attention en berne, n’est pas très réjouissant. Alors, un soir où Ludwick me soumet pour la énième fois sa demande, j’inspire un grand coup :

« Non. Essayez d’oublier ça.
– Mais…
– Je vous garantis que vous serez sortis à l’heure pile. Mon rôle d’enseignant est aussi de m’assurer que vous étudiez dans de bonnes conditions. Ne pas rater son bus en fait partie. Sérieusement. Une minute avant la sonnerie, j’arrête le cours, quand ça sonne, vous êtes dehors. Faites-moi confiance. »

Faites-moi confiance, l’expression est lâchée. Je lui donne volontairement du poids. Et pendant une heure, c’est moi qui serait moins concentré, moi qui garderait l’œil sur l’horloge. Je vois la mâchoire de Ludwick se détendre petit à petit.

Être prof, c’est aussi porter ces poids dérisoires et écrasants.

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