Vendredi 24 novembre

J’ai fait tous les efforts possibles pour ne pas me braquer face à Ethan en ce début d’année. Mais il ne rend pas la tâche facile. Notamment au milieu de sa classe de Première, remplie jusqu’au plafond d’élèves adorables, curieux et motivés. Ethan passe son temps retourné, ou compulsant sur son téléphone portable (on vous voit), soufflant légèrement quand je lui demande s’il parvient à construire son explication des textes de français. Ethan a sur les lèvres le sourire que les anglophones appellent « been there, done that ». « Déjà vu, déjà fait ». Il est le seul à ne pas stresser sur ses notes – ce qui est cool pour lui – vraiment très moyennes.

« Monsieur, je peux vous montrer ce que j’ai fait, en plus de ma fiche de lecture ? »

On est à la pause, entre les deux heures de cours. Ethan a lu Médée, d’Euripide. D’une boîte, il sort des playmobils, les dispose et complète avec plusieurs accessoires : des feuilles mortes et une fiole d’encre rouge. Il y apporte un soin que je ne lui connais pas d’habitude. Plus encore dans son explication de sa mise en scène. C’est incongru et émouvant, de le voir manipuler ces bonshommes plastique.

« Comment vous est venu l’idée de cette mise en scène.
– Médée, on m’a raconté la légende quand je faisais du latin au collège. Ça m’a rendu nostalgique… »

Il a le regard un peu dans le vague. Je me fais la réflexion qu’on utilise rarement « nostalgique ».

Et que chacun est une énigme.

Laisser un commentaire