
Les feuilles mortes s’empilent devant le lycée Agnus depuis le début de l’automne. Avec la pluie qui tombe désormais à gros traits, le sol est devenu poisseux, une patinoire dégueulasse sur laquelle s’étalent régulièrement élèves et professeurs en arrivant en cours. C’était peut-être pour ça, l’ambulance devant le bahut, ce matin, ambulance que tous les élèves regardaient, plutôt que de s’intéresser à l’extrait de Stupeur et Tremblements sur lequel je leur demandais d’inventer une problématique.
Le conseil de classe des secondes est passé, la prochaine échéance, ce sont les vacances de Noël. Pas surprenant que dans cette situation, l’attention soit en chute libre.
Alors je tente de compenser, de compenser leur lassitude, le fait que parfois, les gamineries et les rires bêtes ressurgissent. Je tente de compenser le fait qu’ils soient coincés derrière des bureaux trop petits et des chaises qui les forcent à se plier en deux. Je tente de compenser la laideur de ce début de mois – les portes des couloirs sont fermées pour cause d’aimants déficients, on se croirait dans une prison alien de Doctor Who – en bétonnant mes cours. C’est sans doute un peu futile, un peu ridicule. Mais je ne désespère pas, qu’à force de tracer des liens entre les mots et les œuvres d’art, entre la vie et la fiction, les feuilles et le sol aient l’air un peu moins dégueulasse.