
En début d’année, j’avais envoyé un message sur l’intranet du lycée que j’avais omis de signer. Une collègue l’avait vertement relevé. Je suis allé la voir et n’ai trouvé à dire que ce que je pensais : que ça m’avait fait de la peine, et que je ne savais pas comment le lui communiquer autrement.
Depuis, il s’est établi une relation étrange entre elle et moi. Nous ne nous voyons que très rarement – je ne vois mes collègues que très rarement – mais à chaque fois, elle vient me trouver et me parle de sujets graves et importants. Ça fait toujours aussi bizarre qu’à la première fois. Et aujourd’hui, la conversation roule sur la classe que nous avons en commun et avec laquelle ça ne s’est pas bien passé, pendant son cours. J’ignore si c’est parce que j’en suis à ma sixième heure de cours et qu’il m’en reste encore deux, que j’ai plus de café que de sang dans l’organisme, mais je m’entends répondre :
« Tu sais, je crois qu’il faut apprendre à s’en moquer. »
Elle me regarde, les yeux ronds, qui me signalent que je vais devoir développer.
« On marche sur une frontière très fine. La remise en question est nécessaire. Mais il faut aussi être assez lucide pour se dire que parfois, on n’y est pour rien. Qu’on a bien bossé et que ça n’a pas fonctionné malgré tout. Après, le risque c’est de basculer trop d’un côté ou de l’autre. Et c’est ça qui est fatiguant. Très fatiguant, même. »
J’ignore si je dis ça pour elle, pour moi, pour que ces mots résonnent dans la salle des profs et en imprègnent un peu la moquette décolorée. J’ignore si je dis ça pour retrouver mon équilibre sur ce fil fin, si fin.