
Dussé-je encore une fois me ridiculiser ou passer pour je ne sais quelle créature étrange, je l’affirme : il y a des moments où les élèves deviennent très beau. C’est quand ils comprennent.
Aujourd’hui, c’est arrivé, trois heures à la suite, tac tac tac. D’abord quand Amélia et Ignacio ont compris comment fonctionnait la scansion, pendant l’atelier slam organisé par la prof-doc. Puis quand Ollie a découvert la dissertation, et la possibilité d’échapper au commentaire de texte (et comme je la comprends). Quand Will, enfin, est venu me raconter qu’il avait adoré le bouquin d’Edouard Louis que je lui ai conseillé (je n’aime pas l’écriture d’Edouard Louis, j’aime quand mes élèves lisent).
À chaque fois c’est le même miracle : un rai de lumière qui leur traverse le regard, et un sourire, qui a vingt fois leur âge.
Et la sérénité, tellement de sérénité.
À ce moment-là, pendant un instant, ils savent. Que leur intelligence les mettra à l’abri de tout, que leurs limites peuvent voler en éclat, que ceux qui sauveront le futur, c’est eux. Ça ne dure que quelques secondes. Mais ces quelques secondes consolent, renforcent, accompagnent.
Je bosse dans ce milieu parce que j’ai le privilège de rencontrer ceux qui vont nous sauver. Et personne ne me convaincra du contraire.