Mardi 16 janvier

L’année dernière, ma salle de classe était immense. Il y avait au mur le bingo littéraire (que des sixièmes ont gagné les doigts dans le pif, battant à plate couture les grands de quatrième) et un grand exposé sur Apollinaire. Les règles principales du complément circonstanciel, et un dessin de Jack, du film de Tim Burton.

Tout au fond, il y avait la bibliothèque. Avec les playmobils de la mythologie grecque, les peluches, les mangas de Lovecraft, et les classiques de chaque siècle. Et les manuels pour s’entraîner, lorsqu’il manquait une notion.

L’année dernière, les élèves avaient des dizaines de raison pour rester dans la salle de classe. En ouvrant un livre, en jouant avec un playmobil, en me posant une question sur Alcools.

Et à chaque fois, ça débouchait sur quelque chose d’important. Un souci en classe ou dans la famille, une notion mal comprise qui n’avait pas été verbalisée. On était dans un territoire accueillant, il y avait moyen de se poser et de parler.

Cette année, je cours de salle en salle. Aménagées pour le français, les maths ou pas grand-chose. Je squatte chez des collègues, débarrasser ses affaires dès que la sonnerie retentit, surtout ne pas oublier quoi que ce soit, ce serait le bazar pour le récupérer.

Alors j’essaye de porter ça sur moi.

J’ai ressorti mes T-shirt geeks et m’habille plus coloré. Je sors des piles de livres de mon sac, m’attache un bracelet au poignet.

« Monsieur, c’est quoi, « Les mouches » ? « 

J’ai un peu de temps. Juste un peu, pour parler avec Roland. Qui se galère épouvantablement depuis le début de l’année. Mais qui, au retour des vacances, est revenu plein de fougue. Lève la main très haut pour participer, fonce à toute berzingue, et souvent dans le mur, lors des études de texte. Roland qui se demandait si j’avais vu les efforts, tous les efforts qu’il faisait depuis début janvier en français.

Créer un sanctuaire, d’une façon ou d’une autre.

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