
Loën est une énigme.
En cours, il reste d’un silence absolu. Il prend en note 10% du cours, et lorsqu’il travaille sur ses lectures du bac, se contente souvent de dicter à sa binôme ses idées sur le texte. Elles sont presque toujours excellentes.
Loën est souvent absent.
On m’a parlé de difficultés de concentration. De phobie scolaire. Le fait est, quand il y a une évaluation, je ne le vois jamais. Mais il la rattrapera toujours, dans la salle d’une collègue. Et me dira toujours que ça c’est bien passé. De fait, ça s’est bien passé.
« Monsieur ! Monsieur ! »
Je suis en train de discuter avec des collègues, place de la République. Manifestation. Loën court vers moi, avance la main comme pour me la serrer, la laisse retomber. Le tout en quelques secondes.
« Ah vous êtes là ! C’est bien ! Moi aussi je manifeste ! »
C’est la première fois de ma vie que je croise un élève en mouvement social. Je ne l’ai jamais vu aussi vif. Ses yeux, habituellement placides, brûlent d’une flamme intense. Il pirouette sur lui-même, me pointe du doigt à une pote, qui hoche la tête d’un air entendu. Et les voilà disparu.
Loën du vent. Insaisissable. En espérant que ce soit par choix.