
Je commencerai pas le seul truc qui m’agace un tout petit peu chez Sophia : dès qu’elle a une demi-seconde de libre, mais vraiment une demi, elle se replonge dans son bouquin. Même lorsque je distribue une feuille, où que je me baisse pour ramasser le marqueur que j’ai, une fois encore, fait tomber.
Mais c’est le seul truc.
Sophia est toujours volontaire, toujours drôle, toujours sincère, toujours à l’écoute. Sophia travaille plutôt correctement, parfois super bien à d’autres moments beaucoup moins, son attention fluctue. D’ailleurs, elle en est consciente : elle s’entraîne à regarder des films d’une heure et demi, parce qu’elle s’est aperçue qu’elle n’en n’était plus capable.
Et puis il y a un truc. Sophia est toujours là.
L’autre jour, Iram était absent. Personne n’a levé la main, lorsque j’ai demandé si quelqu’un prenait les documents pour lui.
À son retour il les avait, pourtant.
« Ah oui monsieur, désolée, je vous en ai pris sur votre bureau. »
Sophia.
« Vous avez énormément avancé dans votre lecture linéaire, dans ce groupe.
– Oui, Sophia nous a aidé.
– N’importe quoi, je vous ai juste dit que Rabelais, il est toujours dans la moquerie ! »
L’autre jour, Tanith est revenue en cours. Tanith vient de perdre sa mère, fauchée brutalement. Sophia est venue s’asseoir près d’elle. Ensemble elles ont bossé. Elles n’étaient pas dans une bulle, Tanith a parlé avec d’autres camarades. Sous le regard de Sophia un tout petit peu en retrait. Son exemplaire de Spy Family à la main.
« Oh là là, monsieur, vivement les vacances !
– Tout à fait d’accord Sophia.
– Vous savez, c’est pas grave si vous nous rendez pas les copies le premier jour, hein, le repos c’est pour tout le monde. »
Elle ne s’est pas arrêtée pour croiser mon regard. Elle est partie, avec ses copains. En esquivant au passage cette aura d’héroïne qui tente de la rattraper. Et qu’elle refuse, avec l’élégance de celles et ceux qui, tout simplement, font le bien.