Lundi 18 mars

Le jour revient.

Je veux dire par là que le ciel est déjà clair lorsque je pousse la grille du lycée – on a enfin cessé de me demander mon nom à chaque fois que je sonne – et lorsque j’en sors. C’est comme un signe.

Le signe que le tri s’est opéré. Je sais que corrélation n’est pas causalité, que ce sont juste deux événements qui se passent en même temps. Mais c’est toujours pareil. Lorsque le jour revient, certains élèves se révèlent.
Et d’autres abandonnent.

C’est particulièrement flagrant au lycée. Déjà, je repère ceux qui se glissent au fond de la classe. Qui ne réagissent plus à mes demandes, qui acceptent les sanctions pour travaux non rendus d’un haussement d’épaules. Et leur passivité est fort éclairée par le rayonnement de ceux qui ont compris. Ceux qui, d’un coup, ont pigé comment fonctionne le lycée. Et se disent que ça va être deux années à venir plutôt chouette. Tandis que les autres se renfrognent. Comme si tout était écrit, que rien ne pouvait changer.

Ça brise le cœur, c’est enthousiasmant. Une part de moi se dit qu’à un moment, ils sont grands, ils ont leur destin en main, que ça n’est pas toujours aux enseignants de leur courir après, à ceux qui abandonnent. Qu’on les porte depuis le collège, qu’ils ont choisi d’aller en générale, que…

Que bien entendu, tu ne vas pas les laisser là, au milieu du gué, les bras ballants, la tête basse. Ceux qui sont sauvés t’accompagneront désormais, jusqu’au bout. Maintenant, il faut aller chercher les autres. Et chaque jour qui passe les éloigne un peu plus. Je sais déjà que je ne les retrouverais pas tous et toutes, ces Eurydice.

Mais on peut toujours réaccorder sa lyre et tenter le voyage.

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