
Le lundi 13 décembre 2021, je me retrouvais à pleurnicher, dans ma voiture, sur le parking d’un lycée. J’avais été remplaçant un trimestre, et ç’avait été un trimestre merveilleux. Et puis, ledit remplacement avait brutalement pris fin, sans que j’en sois informé. J’avais quitté le bahut, les photocopies du cours du jour à la main, sans dire au revoir aux élèves. Quelque chose s’était suspendu. Mis en pause, comme sur les anciens magnétoscopes. L’image figée, qui bouge un tout petit peu. Fichée dans mes souvenirs. Et puis, comme la vie n’est pas une série télé, j’étais reparti, nommé dans un autre établissement.
« Pardon de te déranger. »
Une collègue dont je ne connais toujours pas le nom – quatre vingt-profs, là-bas neuf heures par semaine, je n’y arriverai jamais – me regarde en souriant.
« Est-ce que le nom de Ranulf te dit quelque chose ? »
Je me remémore. Et c’est chaleureux.
« J’ai eu un élève au lycée Gallia qui s’appelait comme ça.
– Ah, je me demandais ! C’est mon fils, tu l’as eu comme élève ! »
Le reste, c’est un peu comme dans du brouillard. Cette collègue anonyme – j’ai encore plus honte maintenant – sourit, me raconte la suite du parcours de son fils, ce qu’il lui rapportait le soir de son année de seconde, jusqu’au lundi 13 décembre 2021. Sur le coup, je ressens juste un léger coup de sérotonine.
Et puis, comme la sonnerie retentit, et que nous partons à la rencontre de nos classes respectives, je me rends compte que quelque chose fonctionne plus harmonieusement sous mon crâne. Une image a cessé de tressauté. Il suffisait de pas grand-chose. Juste un tout petit bout de conclusion, c’était assez.