Vendredi 12 avril

« L’idée, c’est de commencer par trouver un vice à dénoncer. Pas forcément quelque chose de grave. Mais quelque chose que vous trouvez désagréable, ridicule ou inconvenant.
– Mais tout m’énerve monsieur ! C’est ce qu’on me dit tout le temps, toi t’es tout le temps en train de gueuler !
– Tiana !
– Oui, ok, de récriminer. »

De fait. Les yeux sombres de Tiana sont toujours brillants de colère. Mais depuis le début de l’année, où je l’ai encouragée à exprimer son désaccord, le fait est qu’elle le fait beaucoup moins. Elle bosse beaucoup plus, et ses notes s’envolent. Enfin, jusqu’à ce jour où la classe s’entraîne à écrire une satire, et où elle sèche pour trouver un sujet.

« J’ai pas l’impression que ce soit utile, en vrai, monsieur.
– C’est important pour comprendre comment fonctionne le texte. Une satire, ça se compose…
– Non, je sais mais… je sais pas, je trouve ça… vain. »

Encore ce mot. Depuis que j’enseigne, je crois qu’il a dû être employé par à tout casser dix élèves à l’oral. Tiana l’utilise très souvent. Et toujours après cet espace, ces points de suspension. Où quelque chose voile la braise qui y luit. Je me demande, je suppute. Sans doute je surinterprète. Il y a des infinis en Tiana, une envie de confronter sa vie, ses convictions, sa colère, à un idéal, à quelque chose de grand. Ai-je devant moi une future militante ? Une activiste, une femme politique ? Une artiste ? Rien de tout ça, qui sait.

Mais à chaque fois, je constate qu’émane, pure et inaltérable, cette immense puissance, de Tiana. Celle de la lutte pour trouver un sens. Et j’aimerais l’aider à le trouver.

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