Mercredi 24 avril

Ils entrent dans l’immense amphithéâtre du lycée d’Agnus en rigolant, mais d’un rire un poil fragile, un poil timide. Aujourd’hui c’est l’aventure, une aventure avec des petites roues : les secondes vont faire la répétition générale de la pièce qu’ils ont préparée pendant une semaine. Le Cid, bien entendu, je n’allais pas changer un texte qui gagne.
Au début, ils prennent ça à la rigolade. C’est une occasion de s’évader du cours sur la dissertation qu’ils se cognent actuellement, et éventuellement de mettre le zbeul. Je les laisse déposer leurs affaires, mettre un peu trop de temps à se préparer. Je les laisse monter sur scène.

« Maintenant on va y aller. »

Les éclairages ont changé. Salle plongée dans le noir, scène éclairée. C’est toujours là que ça commence. Là que les élèves sentent qu’il se passe quelque chose. Ça marche presque à chaque fois.

Ils sont là, avec leurs textes encore à la main, leurs costumes, un décor splendide – les élèves en charge de la technique se sont surpassées – et leurs corps, leurs voix. Petit à petit, leurs balbutiements s’affirment. Leurs paroles se font plus assurées. Petit à petit, ils se rendent compte qu’ils sont sur une scène de théâtre. Et qu’il va falloir faire mieux. Qu’il va falloir apprendre par coeur, pas parce que c’est une lubie du prof, mais parce que leur ignorance du texte les emprisonne. Qu’ils peuvent déployer leurs ailes parce que oui, le travail qu’ils ont fait, dans les couloirs, pendant les heures de perm, un peu n’importe comment et en rigolant, ça crée quelque chose, quand on le met bout à bout. Quelque chose d’imparfait, d’encore chancelant. Mais qu’Amine résumera parfaitement, la même sentence qu’à chaque fois là aussi :

« Qu’est-ce qu’on était beaux, quand même. »

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