
Je m’étais promis que je ne consommerais pas cette année, et que je ne dépenserais pas un centime de mes deniers personnels dans mon boulot – ce que font nombre de collègues sensés – mais me voilà, ramenant dans mon cabas une horloge, une pelle et une balayette, des post-it et une poignée d’autres machins pédagogiques et décoratifs.
Pour mes élèves fantômes.
Je veux dire, ils existent. Je m’entraîne à psalmodier leurs noms sur Pronote, pour le premier appel de lundi, histoire de ne pas me planter (je me planterai), et pour les cinquièmes, je dispose même de leurs photos. Mais je ne les ai pas encore rencontrés. Pas encore vu bouger, pas encore entendu. Par encore repéré celle qui va se mettre immédiatement au fond de la salle, celui qui aura tout de suite une question. Les 5e Astronelle, les 6e Évoli et Feunard ne sont encore que des idées dans ma tête. J’aimerais leur dire que je vais tout faire pour que les choses se passent bien. Que j’aimerais tellement, tellement, qu’ils comprennent pourquoi ils arrivent, à chaque heure. J’aimerais leur dire que tout est intéressant, mais que cet intérêt, il naît de l’intersection de nos bonnes volontés communes. J’aimerais leur dire que j’ai hâte de les rencontrer, de les croire en eux.
C’est encore facile à exprimer, quand ils ne sont que des fantômes.
Mais je ne le dirai pas comme ça, lundi. Je tenterai de le faire passer lentement, tranquillement, tout au long de l’année.
On n’attend plus qu’eux.