Mercredi 4 septembre

Quand j’étais un petit prof, j’étais très terrifié par I. C’était une collègue de français qui faisait TOUTES ses photocopies le premier jour de l’année (en piquant les anciens codes pas encore désactivés des collègues ayant obtenu leurs mutations), et cours la lumière toujours éteinte. Le tout dans un silence monacal.
Autant dire que, même si elle m’a beaucoup appris, je n’ai pas spécialement adopté son rapport aux élèves (euphémisme de l’année).

Elle a, par contre, eu une phrase qui m’a énormément marqué : « je ne fais pas cours, les deux premiers mois de sixième, je leur apprends à travailler. »

Il y avait bien entendu de l’exagération dans la durée. Mais pas tant que ça. Les sixièmes ont besoin d’apprendre à maîtriser ce gros machin qu’est le collège. Ses couloirs, ses règles, et surtout le changement permanent, d’un cours, d’un prof à l’autre. Ça c’est une évidence.

Des années plus tard, j’ai réussi à marier le principe d’I. avec celui d’un collègue qui n’aurait pas pu être davantage son opposé, Monsieur Vivi, l’un des enseignants le plus dans l’empathie que j’ai connu. Et au moins aussi respecté de ses mômes. Parce qu’il tenait à donner à chacun d’eux sa juste place. Qu’il n’en laissait aucun au bord du chemin, aucun à laisser passer les minutes dans son coin.

Pour Monsieur Samovar, il est là, l’enjeu de ces deux mois. Deux mois pour transformer ces groupes hétéroclites et un peu terrifiés en classes, qui vont non seulement pouvoir apprendre ensemble, mais faire corps.
Je les vois déjà, celles et ceux qui sont battus. Qui dès les premiers mots, ont eu la tête et les épaules qui se sont affaissées, qui, déjà, regardent les aiguilles tourner. Le renoncement. Deux mois pour combattre cette hydre-là, pour leur faire comprendre que leur place ici à un sens. Que ces murs ne sont pas subis, quand bien même il serait facile de le croire.

Je suis également concerné. Muté ici sans avoir le choix, participant à un système dont je vois à quel point ses rouages peuvent broyer. Mais il y a eu I., il y a eu Monsieur Vivi, et tellement d’autres, qui m’ont appris qu’il faut, surtout en début d’année, soumettre la machine, pour que les élèves apprennent, chacun et chacune, à l’habiter.

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