Jeudi 12 septembre

Il y a des personnages qui ont un petit ange et un petit démon sur chaque épaule, moi, j’ai M. O’Neill et M. De Martino. Il s’agit de deux enseignants de la magistrale série Daria, qui caricaturent, encore aujourd’hui, parfaitement le corps professoral, O’Neill étant le pédagogue lunaire et naïf, De Martino l’amer et revenu de tout. Les deux ne sont pourtant, pas dénués de qualités et parfois – rarement – aident Daria, le personnage principal, à avancer sur la route caillouteuse de l’adolescence.

Et lorsqu’en traversant la cour de récréation, je repère un élève que je n’ai pas en classe en train de se servir de la tête d’un de ses camarades comme d’un tabouret, les deux se mettent à débattre :

O’Neill : « Oh non ! Il faut intervenir, mais sans s’aliéner l’agresseur, qui a probablement des raisons délicates et complexes pour agir ainsi ! »

De Martino : « Merci pour la leçon de morale cher Timothy, elle sera très utile dans quelques années, lorsque ce gamin se retrouvera devant la justice parce qu’on a été trop PUSILLANIME pour le sanctionner comme il le mérite ! »

Je grossis le trait, mais c’est peu ou prou ce qu’il se passe à chaque fois que je dois réagir rapidement. Mais cette engueulade intérieure me permet, parfois, de réussir une synthèse qui peut fonctionner. Il n’y aura pas de hurlement, donc. Mais pas non plus de gentillesse sirupeuse.

« Holà ! Cassez pas votre camarade, on en a encore besoin ! »

Le gamin se retourne, un peu interloqué de voir ce mec avec son T-shirt Sailor Moon le regarder en rigolant. Il se redresse, pas encore agressif. Ouf, cette fois-ci, c’est passé. Je me place entre sa victime et lui.

« Bon. On est d’accord que c’est de la violence, ça ?
– Ben oui mais…
– Suivez-moi pour m’expliquer, je dois aller prendre un café. »

Et pendant qu’il bafouille un truc plus ou moins crédible, je le conduis devant la vie scolaire.

« Va falloir qu’on en discute avec la CPE.
– Azy, j’ai rien fait, ça m’énerve ! »

Forcément la dénégation, la crise. Normal. Normal mais elle n’est pas arrivée au mauvais moment. Parce que cette fois-ci, les deux profs de dessin animé ont réussi à s’entendre correctement. Maintenant, on va pouvoir retourner dans le monde réel, il y aura entretien, discussion, sanction… La vie normale d’un collège.

D’O’Neill à De Martino, je ne cesse de me déplacer sur le spectre. Souvent trop d’un côté ou de l’autre. Je suis à la fois trop sévère et trop laxiste. Mais parfois, parfois, je parviens à faire collaborer ces deux-là, et leurs défauts additionnés créent des réactions correctes. Jusqu’à la prochaine fois.

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